Les chefs traditionnels et coutumiers de la commune de Tomora dans le Kasso, appellent au respect des droits coutumiers pour la gestion des différends entre les communautés. Réuni en assemblée générale le dimanche 21 janvier 2024, à Oussoubidiagna, chef-lieu de la commune de Tomora, ils ont réaffirmé l’appartenance du site de Boïné à la grande famille Sissoko, objet de litige foncier entre les Sissoko de Tamaratinty et le village de Diba.
En effet, un litige foncier est déclenché entre des héritiers de Sangha Moussa Sissoko installés aujourd’hui à Tamaratinty et Yamadou Kanouté ressortissant du village de Diba par rapport à la gestion du site de Boïné (premier village des Sissoko de la zone).
Le but de cette assemblée des chefs traditionnels et coutumiers était de trouver une solution durable au conflit foncier entre les communautés mais également appelés au respect des droits coutumiers dans la gestion des litiges fonciers.
Les faits !
Tout a débuté en 2017, quand Mamady kanouté (patriarche de Diba) et son fils Yamadou Kanouté résident en Angola sont allés solliciter le chef de la famille Sissoko à Tamaratinty par le biais d’un fils de ce denier Mohamed Sissoko, résident en Angola pour avoir un endroit pour cultiver de l’arachide. Le vieux Sissoko retissant à finalement prêté une parcelle sur le site de Boïné. En donnant le lieu, le vieux Sissoko a posé des conditions : que les nouveaux occupants ne creusent pas de puits, de mettre une clôture entre les cultures et la route car l’endroit est une zone de pâturage.
C’est ainsi qu’en 2018, la famille Sidibé résident à Diba a commencé à cultiver dans la zone sur le passage des animaux, pendant que la famille Kanouté demandeur de la zone ne l’avait pas commencé. A l’époque la famille Sissoko a alerté, une réunion de huit villages environnants : Darsalam, Madalaya, Godi, Kidikame, Barsafé, Diadiana et yahinané est provoquée au tour du sujet. L’assemblée des chefs de village ce jour là a plaidé pour que l’endroit soit prêté à la famille Kanouté. Cette fois-ci c’est de prêter l’autre côté de la route avec des conditions claires. De mettre une clôture entre le champ et le passage des animaux, de ne pas se plaindre d’aucun dommage causé par les animaux et de ne pas creuser de puits.
À la grande surprise de tous, en 2020 la famille Kanouté a creusé un puits et effectué d’autres réalisations dans la zone litigieuse sans l’autorisation de la famille Sissoko. Une fois ces réalisations constatées, la famille Sissoko a informé les huit villages qui avaient intervenu pour que l’endroit soit prêté au Kanouté. A leur tour, les chefs impliqués convoquent une rencontre pour un règlement pacifique des différends. Non seulement la famille Kanouté n’a pas envoyer de représentant à la rencontre, elle a continué avec les réalisations sur ladite zone tout en revendiquant la propriété terrienne de la zone.
Feuilleton judiciaire !
Après toutes ses tentatives sans succès, la famille Sissoko a fini par introduire une plainte auprès du tribunal de première instance de Bafoulabé pour demander l’arrêt des travaux et exclusion des occupants sur le site.
En janvier 2021, le tribunal ordonne l’arrêt des travaux de culture par la famille Kanouté et Sidibé. Mécontent de ce verdict, la famille Kanouté a interjeté l’appel devant la Cour d’appel de Kayes qui lui donne raison. La famille Sissoko a son tour fait un pourvoi devant la Cour suprême. Dans son arrêt n°365 du 21 décembre 2022, la Cour Suprême casse et annule l’arrêt déféré, renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée. Le procès est entendu dans les jours à venir.
Des témoignages !
Au cours de cette assemblée générale des chefs traditionnels et coutumiers de la commune de Tomora et des personnes ressources ont fait des témoignages montrant l’appartenance du site de Boïné à la famille Sissoko. Présent à la rencontre, Oumar Diaby, imam du village de Madalaya dans la commune de Tomora dira que c’est son arrière grand père Mustapha Diaby et ses frères ont accueilli Sangha Moussa Sissoko et les siens vers les années 1590, après sa traversée du fleuve. Ils se sont installés à Boïné, en attendant le point lieu recherché. Sangha Moussa Sissoko et ses frères deviennent ainsi les premiers occupants du site de Boïné.
Depuis cette époque, un pacte lie les deux familles. La chefferie est confiée à la famille Sissoko et les légitimités coutumières sont restées avec la famille Diaby. Par rapport à la situation à Boïné, l’Iman Diaby témoigne d’avoir mené de nombreuses démarches pour un règlement pacifique du conflit foncier. Selon lui, Tomora ne connait pas la justice tous les problèmes sont gérés conformément aux droits coutumiers.
Rappelons que le site de Boïné abrite plus de cent tombes de la grande famille Sissoko et d’autres occupants du site. Aujourd’hui, elles ont été toutes rasées par la Yamadou Kanouté et clôturées.
Fily Dembélé du village de Kidikamé témoigne : «Quand j’avais 12 ans, lors d’un voyage mon grand père m’a montré la tombe de son père en disant : c’est ici notre premier village beaucoup de nos parents sont enterrés à Boïné. C’est pourquoi j’ai demandé à Yamadou de renoncer à son projet mais hélas à notre grande surprise il a mis les grillages sur les tombes de nos ancêtres ce qui est très grave ».
«Yamadou kanouté et ses frères ont mis la clôture sur plus de 100 tombes à Boïné. J’interpelle les autorités de cet état de fait », a ajouté Hamoudoun Konaté du village de Godi.
Par ailleurs, Diancounda Sylla du village de Soubilé tout comme Moro Sissoko du village de Diandiana ont appelé au respect des droits coutumiers de la famille sur le site litigieux de Boïné. Selon eux, commune de Tomora ne connait pas l’esclavage. Que tous les différends sont réglés selon les coutumes.
En prenant la parole, Bakary Sissoko, chef du village de Oussoubidiagna, patriarche des Sissoko de la commune de Tomora a d’abord salué les actions des plus hautes du pays dans différents domaines pour le développement et la stabilité du pays. Cependant, il a appelé les plus hautes autorités de tout faire pour le respect des droits coutumiers car dit -t-il c’est la première fois qu’une affaire de la commune de Tomora soit portée devant une juridiction.
Dans son intervention, le vieux Sissoko est revenu sur l’histoire de Sangha Moussa Sissoko ancêtre des Sissoko, une manière pour lui de réaffirmer la propriété des Sissoko sur les sites occupés par leur ancêtre. Il a toutefois indexé le Maire de la commune Tomora, Madoucoulé Touré, pour son inaction qui serait à l’origine des différends entre les communautés.
Notons que la zone objet de litige foncier est d’une superficie de 14 ha, elle est située entre le village de Diba et Tamaratinty.
Affaire à suivre…
Jean Joseph Konaté
